samedi 1 novembre 2008

'Tropicalia 3' à la loupe…

La positive attitude de Luiz Melodia (photo Daniel A.)

En général, un animateur ‘bien comme il faut’ commencera toujours par vous dire qu’il sera « très heureux de vous retrouver pour un nouveau numéro de …». Je fais partie de ceux-là, mais je confesse que ce plaisir, très égoïstement, je me l’octroie en priorité. C’est en effet l’unique moment de la semaine, qu’après des heures d’écoutes, je me donne l’occasion d’apprécier les musiques choisies… avec un casque. C’est bête à dire, mais on ne se rend pas compte des innombrables petites ingéniosités qui se cachent dans un enregistrement et qui, souvent, passent inaperçues malgré des enceintes performantes. Bref, quand j’entame le ‘show’, seul dans le studio, les écouteurs sur les oreilles, j’entre en religion et en osmose avec les dieux de la MPB et je l’espère, en communion avec l’auditeur. Mais quittons ce vocabulaire mystique…

En 1996, Belô Velloso sortant son premier album parrainée par
Bethânia, Caetano et Adriana Calcanhotto.


Une autre satisfaction durant la préparation du programme : la redécouverte d’albums, non pas oubliés, mais un peu délaissés dans mon inconscient musical. Ainsi, pour ce troisième numéro de Tropicalia, ce fut une vraie délectation de réécouter le premier album de Belô Velloso (1996), nièce de Caetano et Maria Bethânia, tout comme le premier disque homonyme de Rita Ribeiro (1997), excellente artiste du Maranhão, déjà bien installé sur la scène brésilienne.
Mêmes retrouvailles avec les superbes « Inclinações musicais » (1981) de Geraldo Azevedo et « 7 desejos » (1992) de Alceu Valença, ces deux piliers de la musique nordestine qui avaient conquis le territoire national brésilien dès les années 70.
Dans ce premier bloc du programme, dédié plutôt aux artistes consacrés, je pus replonger également dans un des derniers grands disques de Caetano Veloso, « Estrangeiro », le premier album de l’artiste qui me soit tombé entre les mains en 1989, alors que je ne connaissais rien de lui. Dix ans auparavant, en 1979, Angela RôRô lançait son premier album homonyme, truffé de petits joyaux (dont ‘Amor, meu grande amor’), qui affirmait une compositrice au tempérament bien trempé. Avec ‘Cartomante’, j’ai voulu faire place à une de ces chansons en forme d’hymne exalté comme seul Ivan Lins sait les créer (ici au travers du trio vocal féminin Folia de 3). Et enfin -parce qu’on oublie souvent de le compter parmi les grands- il me tenait à cœur de passer un titre de Luiz Melodia (‘Paixão’), un artiste incontournable de la scène brésilienne depuis que Gal Costa avec ‘Perola Negra’ en 1971, et Maria Bethânia avec ‘Estação Holy estação’ en 1972, l’imposèrent comme un des compositeurs les plus doués de sa génération. A l’heure ou j’écris ces lignes, un « MTV Especial, Estação Melodia », vient d’ailleurs de sortir sur le marché.

Adriana Peixoto, premier album d'une étonnante maturité.

Durant ces 180 minutes de programme –exceptionnellement- je pus faire la part belle à de nombreuses nouveautés. D’abord celles de jeunes talents, comme Flavio Henrique que j’avais découvert récemment avec son album « Pássaro pêncil », emprunt d’une délicatesse mélodique proche des grands compositeurs de son Minas Gerães natal comme Milton Nascimento, Toninho Horta ou Flavio Venturini
. Pour le côté plus fun, j’ai fait place à Silvia Machete, la nouvelle sensation de Rio, qui, comme je l’ai dit maintes fois, vaut autant pour son timbre vocal affiné que pour ses numéros de cabaret que l’on pourra d’ailleurs découvrir dans le dvd « Eu nao sou nenhuma santa » qu’elle a lancé officiellement ce 30 octobre, au Théâtre Rival (RJ).
Toujours dans la catégorie ‘nouveautés/ jeunes talents’, j’ai craqué pour les premiers albums d’Aline Muniz, intelligemment commercial, et Adriana Peixoto qui fait preuve d’une maturité hérité d’une famille d’artistes illustres (Cauby Peixoto, Ciro Monteiro…).
Concernant les poids lourds, je venais enfin de recevoir les albums de :

- Lenine avec « Labiata », disque puissant, au climat sombre, mais trop peu original et élaboré mélodiquement.

- Zeca Pagodinho avec « Uma Prova de amor », loué par toute la critique mais bien trop lisse et consensuel à mon goût. Un disque de samba ‘de raiz’ se doit de sentir la bière et la sueur, ce qui ne semble pas être l’avis d’Universal music.


- Pedro Luis e a Parede avec « Ponto enredo », produit par Lenine, et qui sera indiscutablement une des belles ‘plaques’ de cette année.


- le groupe pop Skank avec le très bon « Estandarte », que je n’ai hélas pas eu le temps de programmer ce lundi. Sans faute pour le ‘Tropicalia 4’ !

Parmi les nouvelles belles surprises que j’avais déjà partagées dans les programmes précédants, ce fut un plaisir de découvrir d’autres titres des derniers albums de Mart’nália, Zeca Baleiro, Suely Mesquita, Chico Cesar, et Ed Motta. Ce dernier qui, avec « Chapter 9 », signera peut-être un des meilleurs albums brésiliens de 2008 …entièrement chanté en anglais !

Le superbe "7 desejos" (1992) d'Alceu Valença.

Après avoir passé en revue trois des nouvelles voix talentueuses de la MPB : Thais Gulin, Glaucia Nasser, et Anna Luisa (dont l’interview sera le prochain post), j’attaquais une partie exclusivement nordestine avec les déjà-cités Alceu Valença et Geraldo Azevedo, faisant un détour ensuite par la légende du ‘Mangue Beat’, Chico Science & Nação Zumbi, et son digne héritier, Totonho e Os Cabra, un sociétaire de l’émission !
Je fus également heureux de faire découvrir l’instrumentiste français très courtisé, Nicolas Krassik, et son groupe Cordestinos, virtuose tant du violon que du ‘rabeque’, son cousin régional du nord qui se joue à bout de bras avec un archet arqué.

Quand à Siba (ex-Mestre Ambrosio) e a Fuloresta, il nous fait découvrir la ‘ciranda’ et le ‘maracatu’ pur jus avec son album « Toda vez que eu dou um passo » (2007) et son monde musical fascinant qui lui a valu de nombreuses récompenses dans la catégorie un peu fourre-tout de musique régionale. Je terminais enfin le programme de ce lundi dernier avec trois grands mythes de la musique brésilienne : Tom Jobim (1927-1994), Dorival Caymmi (1914-2008) et Pixinguinha (1897-1973). Le premier avec ‘Eu sei que vou te amar’ (Tom –Vinicius de Moraes) dans la version de Rosa Passos, sans doute la des plus parfaite interprète actuel de la Bossa Nova ; Dorival avec l’ingénu ‘A Vizinha do lado’ par Bebeto Castilho, bassiste et flûtiste du légendaire groupe de bossa jazz Tamba Trio ; et Pixinguinha avec le classique du chorinho ‘Cochichando’ interprété par Gente Fina & Outras Coisas, groupe dans lequel officie justement Bebeto Castiho. A lundi, pour un nouveau voyage musical.. !
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En écoute (en haut à droite), Pedro Luis e a Parede et Skank.

"Dia Branco" (Geraldo Azevedo) par Simone


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