mardi 6 janvier 2009

Vers la discothèque parfaite de 2008...

ADRIANA CALCANHOTTO : « Maré »
Voici donc l’album d’une artiste arrivée au sommet de son art. Et dieu sait si Adriana avait déjà signé des albums d’anthologie avec « A Fabrica do poema » ou « Marítimo ». D’ailleurs quand on y regarde de plus près, « Maré » n’est en vérité que son quatrième album de carrière si l’on excepte « Público » et l’intermède "Adriana Partimpim".
« Maré » navigue dans cette dualité constante qui fait l’art de la chanteuse : le minimalisme d’un João Gilberto et l’exubérance du tropicalisme. « Maré » est un album subtil, intimiste, intellectuel, mystérieux mais aussi par instants léger et insouciant. Presque frivole.
Tous ces ingrédients avec lesquels l’artiste n’a jamais cessé de jongler, elle les maîtrise et les équilibre de manière parfaite, signant de par là même, son meilleur album, et l’album de l ‘année. Et ceci d’un avis assez unanime si l’on compile les diverses chroniques récapitulatives de la presse brésilienne.
« Maré » nous offre onze titre habillés de tonalités colorées par ceux qui font la nouvelle sonorité à Rio depuis quelques années, c’est-à-dire la bande « +2 » constituée de Kassin, Domenico Lancelotti et Moreno Veloso. Et au niveau des co-compositeurs, Adriana retrouve Péricles Cavalcanti (Porto Alegre), Dé Palmeira (Seu pensamento), le défunt Waly Salomão (Teu nome mais secreto) ou encore Arnaldo Antunes (Para lá). Ce sera pourtant Mulher sem razão du trio Dé, Bebel Gilberto et Cazuza, qui donnera le titre phare de cet album, comme l’avait été Mais feliz en 1998, pour l’album « Marítimo »

PEDRO LUIS E A PAREDE : « Ponto enredo »
Comme d’autres pointures issues des années nonante, Pedro et son groupe est revenu avec un nouvel album en 2008, après plusieurs années d’absence. Bien sûr, il y eu le projet « Vagabundo» en 2005, mais son dernier album d’inédit « Zona e progresso » datait déjà de 2001. Pedro Luis fait bien plus que répondre à l’attente de ses fans. « Ponto enredo » apparaît certes moins sauvage que ses trois prédécesseurs, mais il apparaît comme l’album le plus régulier et certainement le mieux produit du groupe (par Lenine en l’occurrence). Que l’on ne s’y trompe pas : la force percussive d ‘A Parede (mur rytmique) est toujours impressionnante, et les guitares cinglantes et la voix puissante de Pedro ne font pas dans la bluette. Mais le groupe n’hésite pas à se lancer de manière sensible dans un style de samba plus traditionnelle avec Ela tem a beleza que nunca sonhei (participation de Zeca Pagodinho), Mandingo (cosigné avec Roque Ferreira), 4 horizontes ou encore Cantiga. Les compositions adoptent également un ton plus lyriques grâce au sens mélodique de Zé Renato sur Luz de Nobreza et Cabô, mais Pedro Luis e a Parede ne se fait pas oubliés de ceux qui les ont aimés à leur début avec le violent et efficace Tem juiz mas não usa qui nous scotche littéralement au mur. Encore un grand album pour la bande, et un des disques de l’année…

ED MOTTA : « Chapter 9 »
Voici l’album qui énerve tout le monde comme peut agacer un premier de classe ou n’importe quel surdoué ! Ed Motta est de ceux-là. Interprète exceptionnel, multi instrumentiste, fin mélodiste qui tire le meilleur du jazz, de la soul, du rock , du pop, et même du disco, Ed signe avec « Chapter 9 » son meilleur opus, ayant gardé le meilleur de ses albums plus expérimentaux qu’étaient « Dwitza » (2002) et « Aystelum » (2005). Chacune des dix plages est une petite perle, quel que soit le style qu’il aborde (même le chouette clin d’œil aux comédies musicales avec The Runaways), et il serait intéressant de savoir quel serait la carrière d’un tel disque sur les terre étrangère puisque, caractéristique singulière, il est intégralement chanté en anglais. Pour un des trois meilleurs disques brésiliens de l’année, ce serait le seul reproche qu’on pourrait lui faire. Mais Ed n’a cure de la langue dans laquelle il chante. Il n’a jamais écrit une ligne de ses textes (tous ici de Robert Gallagher), et il se noie dans sa musique dont il joue ici tous les instruments. Ah oui…il s’occupe aussi seul de la production et des arrangements…Un type énervant, je vous dis !

SUELY MESQUITA : « Microswing »
L’album « Microswing » de Suely Mesquita -une des perles de 2008- semble être passé complètement inaperçu de la presse spécialisée brésilienne. Et pourtant cette interprète compositrice est loin d’être une inconnue dans le milieu musical. Outre son job de préparatrice vocale pour de nombreuses stars de la MPB, ses compositions furent sollicitées par de grands noms comme Ney Matogrosso, Paulinho Moska, Fernanda Abreu et bien d’autres encore. Zona e progresso, qui ouvre l’album, donna d’ailleurs son nom à l’album de Pedro Luis e a Parede de 2001.
Suely propose une pop acoustique un peu en marge, décalée, qui flirte çà et là avec le flamenco (On the rocks), le blues (John Wayne) ou la bossa avec le magnifique Qualquer lugar. Mais outre la grande qualité des compositions de l’artiste (avec des participations de Zélia Duncan, Chico César, Zeca Baleiro, Mathilda Kovak, Pedro Luis…), c’est son interprétation nonchalante, presque désabusée à la limite de la décadence qui fascine et place « Microswing » dans un créneau en marge de la pop formatée. Comme dans le clip de Catástrofe (voir Youtube), Suely aime jouer avec une douce insolence. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les textes n’ont rien de nihiliste, et sonne d’une belle poésie parfois touchante (Blues para Ryta). Un très bel album qui fut l’une des rares révélations de cette année écoulée.

NEY MATOGROSSO : « Inclassificaveis »
Á la base, « Inclassificaveis » était un show avant de devenir un album. Un show qui d’ailleurs continue de figurer à l’affiche au Brésil depuis un an et demi déjà. Mais Ney, éternel perfectionniste, a voulu enregistrer sa récolte de 16 titres, faite de reprises mais aussi, comme à son habitude, de chansons de nouveaux compositeurs, pour une parfaite perception de son travail. Et il n’a jamais aussi bien chanté, que ce soit en subtilité ou en puissance. « Inclassificaveis » apparaît comme un album dense, parfois très sérieux et peu frivole. Au travers des 16 titres, on a le temps de voyager dans différentes ambiances. Des pages rock que sont O Tempo não para (Cazuza/ Arnaldo Brandão), Mente, Mente (Robson Borba), au chorinho Leve, en passant par les imparables mélodies que sont Mal necessario ou le splendide Um pouco de calor, rien n’est superflu ni aléatoire. D’autres rythmes latins sont encore au programme çà et là. Si Ney a décidé d’inclure 16 titres à son album (ce qui serait de trop pour n’importe quel artiste), c’est qu’il considère que chaque morceau a sa raison d’y figurer, et qu’il n’y a rien à jeter…Et il a raison.
S’il me faut consacrer un artiste pour 2008, Ney se distingue sans concurrent. Outre cet excellent album (dans lequel on ne rentre pas de suite), il y eu donc ce fantastique show homonyme, ses diverses participations aux travaux d’autrui, et enfin le magnifique hommage qui lui a été rendu sous forme d’un coffret luxueux comprenant les 15 premiers albums de ce caméleon de la MPB. Á 67 ans, Ney prouve qu’il est dans une forme olympique, et qu’il est loin de vouloir jeter le gant.

ZECA BALEIRO : « O Coração do homen bomba, vol 1 & 2 »
Pour son retour sur le marché discographique, Zeca Baleiro a choisi la démarche singulière de lancer deux albums à trois mois d’intervalle, en août et en novembre 2008. Enregistrées en même temps, les 27 chansons nous amènent cependant, selon le volume, dans des atmosphères bien différentes. Festives, légères et malicieuses pour le volume 1; sérieuses, introspectives et plus pop et rock pour le second volet. Celui-ci nous rappelle vers son dernier album en date, « Baladas do asfalto e outros blues » (2005).
Á partir de là, chacun choisira son volume préféré, mais force est de constater que l’artiste a réussi son audacieux pari. « O Coração… » n’est sans doute pas aussi essentiel que « Por onde andará Stephen Fry » (1997) ou « Pet shop mundo cão » (2002), mais il prouve que l’artiste, même s’il trébuche , n’est pas en manque d’idées et de créativité tant au niveau musical qu’au niveau de ses textes, toujours bien imprégnés de l’ironie et du langage propre à l’artiste. Zeca Baleiro est un artiste majeur de la MPB issue des années 90, et son double album est une réussite.

CHICO CÉSAR : « Francisco Forró y Frevo »
Chico César ne s’embarrasse pas de s’avoir s’il va plaire à son public. Déjà, il nous avait pris à contre-pied avec « De uns tempos pra ca » (2005), album élitiste et intimiste sur lequel il s’entourait d’un quintete à cordes du Paraná. Á nouveau, avec « FFF », c’est un virage à 180 degré qu’il aborde en nous livrant 14 titres qui forment un véritable abécédaire des musiques du Nordeste : forró, frevo et baião s’entrechoquent et se mêlent sur cet album entièrement constitués d’inédits. Car l’artiste, comme d’aucun l’aurait fait, ne s’est pas contenté de reprendre 14 standards du genre… Ou plutôt des genres. Et sa maestria de compositeurs n’est pas démentie. On peut presque dire qu’il apporte au patrimoine musical brésilien 14 nouveaux classiques. Le petit prodige du Céara signe donc ici un album qui servira de référence qui a méritoirement reçu une presse élogieuse, à défaut d’un succès populaire.
P.S : « FFF » n’est pas sans rappeler le festif « Muitos carnavais » (1975) d’un certain Caetano Veloso.

PAULA MORELENBAUM : « Teleco-teco »
Qui aurait pu croire début 2008, que l’album de Paula Morelenbaum, -bonne chanteuse, mais de peu d’originalité- allait se classer dans la liste des préférés de la plupart des critiques musicaux brésiliens. D’ailleurs, l’idée de l’ancienne choriste de Jobim de vouloir construire un album autour de thèmes ayant été composés entre 1930 et 1960, est certes brillante quoique déjà souvent exploitée. Seulement voilà, tandis qu’on nous gave les oreilles depuis deux décennies avec des versions de classiques de la Bossa digérées à la sauce électro-bidouillage, Paula nous montre qu’on peut moderniser de splendides thèmes sans devoir recourir aux dj’s, leurs platines, et leurs samplers. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille s’en passer non plus…
Pour ce cinquantenaire de la Bossa Nova, la chanteuse a donc sélectionné des titres qui ne sont pas issus du genre mais qui, dix ou vingt ans auparavant, en avaient déjà l’esprit. Et tant son interprétation que les arrangements des instruments acoustiques et électroniques se mettent au service de la composition. Mais Paula va plus loin encore en habillant chaque chanson de manière surprenante -et de bon goût !- comme la reprise légèrement salsa de Você não sabe me amar (Dorival Caymmi) ou les retouches rythmiques de O Que vier eu traço (Alvaiade/ Zé Maria) ou de Teleco-teco (Calcas/ Pinto).
Et si le classique Manha de Carnaval (Luis Bonfá) reste dans l’esprit original, le prix de la meilleure adaptation est attribué au sublimissime Ilusão à toa (Johnny Alf), qui nous prend totalement à contre-pied. L’album a de plus la bonne idée de nous faire découvrir quelques perles moins connues comme cet obscure Luar e batucada du duo Jobim/ Newton Mendonça.
Tout le concept (et la conception !) est à attribuer à Paula, aidé dans sa tâche par une équipe de choc constituée par des pointures comme
João Donato, Marcos Valle, Chico Pinheiro, Leo Gandelman ou Ryuichi Sakamoto.
Même fait uniquement de reprises, « Teleco-teco » est une véritable création, et de par là même, se doit de figurer dans le liste des meilleurs albums de l’année.

LENINE : « Labiata »
J’avoue qu’il m’aura fallu quelques écoutes pour que « Labiata » s’impose comme l’un des albums indispensables de 2008. Les fans de Lenine, dont je suis, auront attendu six années pour que le lion du Pernambuco daigne sortir enfin un album d’inédits. Le dernier, « Falange canibal », datait en effet de 2002.
A priori très hermétique, « Labiata » prend son temps pour installer son climat sombre et angoissant. Les guitares dissonantes, hypnotiques, et la voix faite mystérieuse en demi teinte de Lenine, nous amènent vers cette ambiance glauque comme sur les trois premières plages qui ouvrent l’album : Martelo bigorna, Magra et Samba e leveza. Et au fur et à mesure, la fleur « Labiata » -du nom d’une orchidée- s’avère être vénéneuse et carnivore. Vous l’effleurez d’un doigt, e c’est tout le bras qui y passe…
Et tandis que vous êtes enfin installés dans cette atmosphère de cimetière au crépuscule, « A Mancha » et « O Céu é muito » vous rappellent au bon souvenir du funk/ rock propre à l’artiste. Vous l’aurez compris, « Labiata » est un album rempli d’une densité électrique d’avant l’orage, et s’il n’est pas le chef d’œuvre de Lenine (qui reste « O Dia em que faremos contato » de 1997), il s’impose comme une des meilleures productions de 2008.

COMPANHIA ITINERANTE : « Sendo eu »
La scène alternative du Brésil regorge d’une multitude de groupes rock en tout genre. Mais depuis Los Hermanos (1999-2005), aucun d’entre eux ne semble pouvoir dribler les circuits commerciaux comme l’avaient fait brillamment les quatre barbus. Cependant, s’ils confirment, les membres du groupe Companhia Itinerante pourraient bien être la petite lueur qui manque pour l’instant dans l’univers du rock brésilien. Avec « Sendo eu » sorti début 2008, nous sommes mis en présence d’un groupe qui se veut sans prétention, mais qui apparait néanmoins bien plus doué que la moyenne. L’album propose un rock léger qui flirte avec la samba, la rumba, et parfois l’insouciance des mélodies des années soixante (Jovem Guarda, Beach Boys), mais avec un son brut de décoffrage… Du genre, on branche les instruments et on enregistre : une batterie, des percussions, une basse, deux guitares rythmique (pas de solos !) et la voix sans fioriture de Caio Figueiredo. Ce dernier est d’ailleurs l’unique compositeur des 12 titres offerts ici. Les chansons sont particulièrement efficaces, moins ingénues qu’elles n’y paraissent, et il n’est pas impossible que le « rock simpatia » (comme ils le baptisent) de Companhia Itinerante constitue un phénomène salvateur sur une scène rock un peu en léthargie sur le plan national. On n’attend que cela !

SKANK : « Estandarte »
Il est loin le temps où Skank pouvait dépasser le million d’exemplaires vendus comme avec « Calango » (1994) ou « Samba Poconé » (1996). Non pas que le groupe soit devenu moins bon –que du contraire-, mais quel artiste, à notre époque, peut encore se targuer de dépasser ce résultat (si ce n’est quelques prêtres chanteurs évangélistes !).
Le marché est bouleversé, mais Skank s’est affirmé tout au long de ses quinze ans de carrière comme le meilleur groupe pop du Brésil. Et « Estandarte », leur dixième opus, est encore là pour nous le confirmer. Le groupe de Belo Horizonte continue à explorer tous les recoins du style, en imposant des titres irrésistibles mais sans faire de concessions. L’album est plus rock et plus « dance » que ses prédécesseurs et contient son lot de tubes à venir, mais la bande à Samuel Rosa ne cède pas à la facilité ni à la formule comme le prouve Chão ou Saturação. En fait, ce qui marque à l’écoute de l’album, c’est que chaque membre possède plus que jamais la maîtrise de son instrument. Et de son côté, Samuel Rosa, qui signe tous les morceaux, n’a jamais aussi bien chanté. Bref, les 12 titres (dont quatre cosignés avec Nando Reis) d’« Estandarte » l’imposent comme le manuel de la pop parfaite de 2008.

JARDS MACALÉ : « Macão »
Artiste en marge du Tropicalisme avant d’être en marge de la MPB tout court, poison de la censure dictatoriale des années soixante, Jards Macalé est -avec le poète Waly Salomão- la figure la plus représentative de la contre-culture du post tropicalisme. Plus simplement dit, un enfant terrible subversif et un troublion de la musique populaire brésilienne. Une présentation par ailleurs non obligatoire pour reconnaître les grandes qualités intrinsèques de cet album. Tout au long de sa petite production discographique, Macalé a toujours privilégié le format voix et guitare, un instrument qu’il joue d’ailleurs de manière peu orthodoxe ! « Macão » (de son surnom) n’est que son dixième album en 40 ans de carrière, et de fait, il ne s’agit même pas d’un album d’inédits. Seuls, trois titres sur les onze voient le jour sur cet album. Alors quoi ? Et bien il suffit d’entendre la profondeur de l’interprétation de l’artiste pour comprendre qu’il n’est pas trop tard pour découvrir ce personnage singulier et attachant.
L’album pourrait se diviser en deux parties. D’abord celle où l’artiste se fait plaisir en reprenant des standards qui, au travers de sa voix, acquièrent une dimension poignante. De Corcovado de Jobim à Ronda de Paulo Vazolini en passant par une énième reprise de Ne me Quittes pas de Brel et enfin Só assumo só de Luiz Mélodia, artiste auquel il s’apparente beaucoup au niveau vocal. Quant à la deuxième partie, qui concerne ses compositions, il alterne la légèreté du chorinho Se você quiser ou de la sambinha O Engenho de dentro, avec l’intensité dramatique du suberbe Boneca semiotica (de 1975) . Un album qui peut ainsi paraître un peu fourre-tout mais qui possède par sa densité, une cohésion impressionnante.

MARIA BETHÂNIA & OMARA PORTUONDO
Sans doute cet album qui réunit les deux grandes divas que sont la brésilienne Maria Bethânia et la cubaine Omara Portuondo, mérite-il plus qu’une simple chronique respectueuse et consensuel face aux talents de ces deux grande dames. Le voyage musical que nous proposent Bethânia et Omara s’avère d’une belle délicatesse. Trop subtile peut être, car l’invitation qui nous est faîte ne nous pousse que tièdement à y participer dès la première audition. Le répertoire est soigné, l’interprétation évidement exceptionnelle, mais à priori rien ne nous mène vers une folle émotion échevelée. Il ne faut pas s’attendre à des effusions chaleureuses que la musicalité de ces deux pays nous apporte généralement. Ce côté caliente ne se retrouve d’ailleurs que sur le peu de titres que les chanteuses divisent, c’est-à-dire quatre sur onze. Parmi elles, la salsa Tal vez ou le chorinho Marambaia. Non…C’est vers les mélodies empruntes de nostalgie et de mal d’amour, les inclinaisons vers le boléro (style très en vogue aussi au Brésil dans les années 40 et 50), que l’on trouve les autres très belles plages de cet album. Une œuvre bien sûr très calculée, esthétisante, sans faille ni faute de goût, que l’on préférera peut-être au dvd constitué de 26 titres, qui par sa longueur finit par tuer l’émotion. Quoi qu’il en soit, plus que Roberto Carlos et Caetano Veloso, ou Milton Nascimento avec la famille Jobim, la rencontre d’Omara et Maria Bethânia fut sans conteste la plus belle de l’année.

MILTON NASCIMENTO & JOBIM TRIO : « Novas bossas »
Il aurait fallu que 2008 soit exceptionnellement prolixe en albums de grande qualité pour que nous puissons nous permettre d’exclure cette grande rencontre musicale qui réunit Milton Nascimento au trio composé de Daniel et Paulo Jobim, et de Paulo Braga. Et pourtant la critique ne se montra pas dithyrambique. En cause, l’inclusion au répertoire de grands classiques de Milton mêlés au strandards d’Antônio Carlos Jobim, et la sois-disante dégradation de l’interprétation du chanteur à la voix céleste. Dans les deux cas, je me permet de m’inscrire en faux. « Novas Bosas » se révèle d’abord admirablement construit. Les cinq premières plages qui ouvrent l’album préparent une voie royale aux compositions du Maître. Tel une première partie de luxe : trois superbes reprises du répertoire de Milton nullement superflues –Cais, Tudo que você podia ser et Tarde-, un thème de Daniel Jobim, et le minimaliste et sublime O Vento de Dorival Caymmi. Un sans faute.
A partir de là, s’enchaînent huit titres de Jobim, connues ou plus obscures (excepté le très beau Medo de amar signé Vinicius de Moraes) qui, c’est vrai, pêchent parfois par une interprétation peu adaptée. Certaines chansons souffrent d’une charge émotionnelle trop forte à travers la voix de Milton, principalement pour les plus titres plus rythmés comme Brigas, nunca mais ou Chega de saudade. De fait, le chanteur est en quelque sorte l’antithèse du minimalisme des chanteurs proprement bossa novistas comme Joao Gilberto. Il n’empêche que dans Caminhos cruzados ou Inútil paisagem, l’intensité dramatique de Nascimento porte les compositions vers des versions définitives. On notera bien sûr la haute tenue des arrangements et la couleur instrumental qui apporte une belle cohésion à l’album. Véritablement, le pari de « Novas Bossas » était ardu et tout le groupe a réussi à nous livrer un très beau travail.

ZÉ RENATO : « É tempo de amar »
Zé Renato fait partie de ses interprètes qui possèdent le pouvoir de changer l’eau en vin. Une chanson quelconque peut devenir une petite perle au travers de sa voix. Un don que possède aussi un Caetano Veloso ou une Maria Bethânia. Dans « É tempo de amar » , le chanteur donne une relecture d’anciens standards de la Jovem Guarda, l’équivalent chez nous de la vague yé-yé du début des années soixante. Le résultat est une délicieuse sucrerie, un disque d’été délicat, qui ressuscite des mélodies parfois bien simplettes, mais qui font partie de la mémoire collective du Brésil. La voix de miel (et non mielleuse !) de Zé Renato fait des miracle et les arrangements sont d’une telle légèreté qu’ils nous mettent en apesanteur, et c’est un vrai bonheur…

MOINHO : « Hoje de noite »
Le groupe essentiellement bahianais Moinho a sans doute signé un des meilleurs albums festifs de l’année écoulée. Ce trio formé autour de la percussionniste Lanlan (Cassiá Eller, Nando Reis, Os Elaines…), compte aussi en son sein, la chanteuse et actrice très glamour Emmanuel Araújo et le guitariste Toni Costa. Qu’on se rassure, aucune trace de musique axé bon marchée, mais bien des compositions consistantes très enlevées et très fun, marquées par les percussions et les guitares des Trios elétricos bahianais qui ne sont pas sans rappeler les Novos Bahianos. Un rapprochement d’autant plus facile à effectuer quand on note ici la participation de Moraes Moreira et de son fils Davi Moraes. Présent aussi Nando Reis, ou la mineira de Bahia, Jussara Silveira. « Hoje de noite » est un vrai petit carnaval enthousiasmant où l’on notera le très beau Doida de varrer d’Ana Carolina et Chacal, ainsi que les bonnes adaptations de Baleia da Sé (Riachão) et Saudade da Bahia (Dorival Caymmi). Petit faible personnel aussi pour Ela briga comigo. Vraiment sympa…

ROBERTO MENDES : « Cidade e rio »
Fournisseur fidèle d’excellentes chansons pour Maria Bethânia (coécrites avec Jorge Portugal ou Capinam), Roberto Mendes est à coup sûr est des plus brillants représentants de la samba bahianaise, chaloupée, douce, et teintée de Calypso. Á ses côtés, on pourrait encore citer les excellents compositeurs que sont Gêronimo et Roque Ferreira.
« Cidade e rio », déjà le huitième album de Mendes, n’est peut-être pas le plus réussi, mais dans la production actuelle, il résonne d’une grande fraîcheur par son authenticité et le charme de sa poésie musicale qui opèrent tout au long des 12 titres. Il est respecté par ses pairs (ici il compte sur la participation de Guinga, Pedro Luis, Lenine et Alcione) même s’il n’est pas encore reconnu par le grand public. Voilà un chanteur, guitariste et compositeur à découvrir de toute urgence. Il serait temps !

ROSA PASSOS : « Romance »
Pour ceux qui en doutaient encore, Rosa Passos est la meilleure interprète d’esprit bossa nova que le Brésil compte en son sein. Constitué de musiciens exceptionnels, « Romance », dans un climat intimiste smooth jazzy, égraine de nombreux classiques (Nem eu, Tatuagem, Eu sei que gou te amar…) à écouter sous une lumière tamisée. Un délice…






ALINE MUNIZ : « Da pá virada »
Tandis qu’on attend la confirmation de nombreuses chanteuses issues de la récolte 2006-07, Aline Muniz fut une des rares petites nouvelles à sortir un album plus que raisonnable, annonceur d’une carrière en devenir. « Da pá virada » se révèle intelligemment commercial, et contient quelques hits prêts à être balancé les ondes FM comme Não vacile (déjà un tube) ou O Baile. Très efficace à défaut d’être déjà essentiel. Á suivre avec intérêt…



GLAUCIA NASSER : « A Vida num segundo »
Une musique pop classieuse sans faille pour cette chanteuse de São Paulo à la voix pleine de personnalité et d’assurance. Elle tient bien la note, pourrait-on dire…Pas mal de titres irrésistibles dont Vida em cena , Amor fugaz ou Sambista bom .
Sous-estimée par la critique brésilienne, bien à tort…

Bonus !
SEU JORGE : « America Brasil »
L’héritié du samba/ rock et samba/ funk de Jorge Benjor et du Trio Mocoto a lancé son « America Brasil » en décembre 2007 et de fait, ne pourrait figurer dans cette liste rétrospective de 2008. Alors, pourquoi sa présence ici… Les critiques qui ont lapidé son album au Brésil doivent maintenant se rendre à l’évidence que Seu Jorge a squatté les radios et a placé deux de ses titres – Burguesinha et Mina do Condominio- parmi les plus joués en radio durant toute l’année écoulée. Sans atteindre la qualité de son album « Samba esporte fino » (2001), il nous sort de l’apathique « Cru », lancé principalement pour attirer le marché étranger. Et surtout notre crooner nous ramène vers son groove irrésistible et répond donc à nos attentes. D’autres morceaux attendent en embuscade comme Mariana ou le lancinant Seu olhar, qui devraient faire une belle carrière radiophonique. Au final, un album bien meilleur –et surtout efficace- que les journalistes brésiliens accrédités ont bien voulu l’écrire…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Dommage...aucun de ces diques ne se trouve en rayonnage dans ma ville!! Où puis-je les commander? Ségo.

Anonyme a dit…

On a tous notre liste...et j'avoue ne pas avoir entendu la plupart de ceux que tu proposes ici. J'attend d'entendre ça lors de ton prochain Tropicalia. Hubert

Anonyme a dit…

Salut Daniel! Pour moi le Seu Jorge est l'album le plus fun de l'année. Tu as eu raison de le mettre dans la liste! Ciao

CE BLOG EST DÉDIÉ AUX CURIEUX QUI AIMERAIENT CONNAÎTRE L'ART ET LA MUSIQUE POPULAIRE BRÉSILIENNE. UNE OCCASION POUR LES FRANCOPHONES DE DÉCOUVRIR UN MONDE INCONNU OU IL EST DE MISE DE LAISSER SES PRÉJUGES AU VESTIAIRE.