mardi 26 octobre 2010

Survolant 2010 : mai.


Comme pour 2009, la chronique « survolant 2010 » se propose de revoir, en tout subjectivité, quelques albums sortis, mois par mois, tout le long de l’année. Ceux qui m’auront intéressé par divers aspects. Avec, hélas, quelques rendez-vous musicaux manqués dû à l’indisponibilité de certains produits sur le marché.
Certains albums ont déjà été chroniqués sur ce blog en leur temps…

« Fé na festa » est le premier travail réellement convaincant de Gilberto Gil, depuis qu’il a lâché sa charge ministérielle en 2006.
« Banda larga cordel » (2008) s’était révélé un album plutôt tiède, avec un Gil en petite forme vocale. Mais la machine s’est mise en route en 2009, et le bahianais nous avait sorti le cd/dvd « Bandadois », résultat d’une tournée mondiale acoustique avec son fils Bem Gil, parfois accompagné du violoncelle de Jacques Morelenbaum.
Sorti à la veille des « festas juninhas » (les fêtes religieuses du mois de juin), « Fé na festa » est constitué d’inédits de son crû, contrairement à l’album « Eu, tu eles » (2000) qui dans un même style musical, revisitait le répertoire de grands compositeurs du Nordeste. Le résultat est enthousiasmant, simple, populaire, et essentiellement dansant, et propose des petites perles qui pourraient bien fournir quelques classiques au répertoire du Forró et du Baião.
Ce qui m’amène à la réflexion suivante : avec Bethânia, Caetano, et bientôt le retour attendu de Gal Costa en 2011, les « doux barbares » de Bahia, sont plus que jamais présents sur la scène brésilienne…Et en grande forme !

D’abord associé à la scène funk carioca suite à ses collaborations avec Pedro Luis et Fernanda Abreu à la fin des années 90, Rodrigo Maranhão (également à la tête du groupe percussif Bangalafumenga) s’est révélé ensuite comme un bon compositeur sensible et délicat, avec son premier excellent album « Bordado » (2007). Il a suffit ensuite que Maria Rita (Caminho das Aguas) et Roberta Sá (Olho de boi, Samba de um minuto) fassent échos à ses compositions, pour qu’il devienne un compositeur en vue de la jeune génération.
« Passageiro », suit les traces de « Bordado », mêlant dans un climat poétique fait de mélancolie et de nostalgie, des rythmes comme le xote, le baião, la toada, la valse ou même la samba. Les arrangements y ajoute une touche urbaine et contemporaine (un peu comme son ami Edu Krieger), et seule la voix de l’artiste reste encore le point qui ne permet met de s’enthousiasmer sans réserve sur l’album. Mais « Passageiro » reste cependant bien au-dessus de la moyenne des productions de cette année.

Leny Andrade pourrait chanter l’annuaire téléphonique ou la Charte internationale des Droits de l’Homme, elle resterait toujours une des plus grandes interprètes brésiliennes, tous styles confondus.
Associé à la Bossa, ou plutôt à la Bossa Jazz, Leny nous revient avec un album plutôt éloigné de son genre de prédilection avec « Alma mia », qui réunit 14 boléros chantés en espagnole. Le grand mérite du disque étant de nous présenté un répertoire sorti des sentier battu, produit par le pianiste Fernando Merlino. Et si le choix de ce genre musical chargé de dramaturgie peut paraître étrange, il est bon de rappeler de la chanteuse vécut plusieurs années –de 1966 à 1971- au Mexique.
El dia em que me quieres (Carlos Gardel/ Alfredo Le Pera) ou Vete de mi (Virgilio Expósito/ Homero Expósito) nous montre la maîtrise hallucinante intacte de l’artiste qui- même si l’on aurais préféré la retrouvé dans un créneau plus jazz- possède la force et le talent (comme Nana Caymmi dans ce même genre) de nous transmettre une émotion qui ne peut que nous convaincre.

Malgré déjà six disques à son actif, Antonio Villeroy est un nom qui reste lié avant tout à une série de titres –généralement des tubes- qu’il a écrits avec/pour Ana Carolina, dès 1997.
Pour preuve, la présence de sept titres de sa plume sur l’album "Perfil"- compilation de la puissante chanteuse de Juiz de Fora (MG).
Mais le compositeur gaúcho a également mis à disposition son talent aux répertoires de Maria Bethânia, Ivan Lins, Gal Costa, Mart' Nália, Moska, Paula Lima, Sandy e Junior, Eliana Printes, Bárbara Mendes, Luciana Melo, Preta Gil ou encore Luiza Possi.
Dans « José » (sorti en mai, et largement commenté sur ce blog et dans le programme radio Tropicalia), l’artiste semble avoir décidé de s’affirmer définitivement sans passer par d’autres voix. Et il prouve d’ailleurs que ses talents d’interprète sont indéniables. Il signe ici deux des plus belles balades de l’année avec Recomeço et A flor que eu te dei, en duo respectivement avec Maria Gadú et Teresa Cristina, et tout le reste de l’album flirte avec talent entre bossas, milongas, et ballades racoleuses et diablement efficaces. Et c’est peut-être par dans cet aspect trop « propre » et parfait, manquant d’aspérité sur la longueur, que l’on pourra trouver l’unique défaut à ce très bon album…

En 2007, Fino Coletivo -ce groupe de 8 intégrants devenu six- lançait un premier album festif et sans prétention, qui présentait un habile mélange de samba, de funk, et de pop, qui rendait quelques petites perles dansantes comme Tarja preta, Dragão ou Boa noite.
Le groupe carioca –qui compte maintenant dans ses rangs Donatinho au clavier (fils de João Donato)- confirme en 2010 avec ce second album, qui tend encore davantage vers le reggae et surtout le groove disco (Ai de mim, Doce em Madrid, ou Abalando geral). L’ensemble reste très séducteur -sans être essentiel- mais tel n’est pas l’objectif du Fino Colectivo.
À noter que comme tout bon groupe ou artiste « swing » qui surgit de nos jours, l’influence marquée et assumée de Jorge Ben(jor) reste indélébile…

Il y a des artistes qui énervent la critique par leurs talents innés à créer une musique pop racoleuse qui -qu’on le veuille ou non- se révèle d’une redoutable efficacité. Pour peu que l’on tente de résister, c’est un peu comme ces « blogbusters » américains, plein de bons sentiments dont on connaît les ficèles, mais qui parviennent toujours à nous tirer une larme quand arrivent les violons.
Tel est le cas de Jorge Vercillo qui, album après album (8 en studio depuis 1994), est devenu une machine à tubes impressionnante.
Bien sûr, « D.N.A » n’apporte pas beaucoup de surprises et use des mêmes formules imparables, mais comme pour son album précédent, « Todos nós somos um » (2007), Vercillo recherche entre deux titres convenus, quelques voies moins évidentes : le cool et jazzy Memoria do prazer, le solennel Há de ser en duo avec Milton Nascimento, la samba Verdade oculta, ou l’irrésistible O que eu não conheço, offert à Maria Bethânia en 2009 pour son album « Tua ».
Bien sûr, Caso perdido prouve qu’il n’est pas prêt de se départir de l’influence criante (et avouée) de Djavan mais, en fin de compte, l’important est de savoir si Jorge Vercillo, sous ses dehors de gendre parfait, est un artiste sincère…Et de cela, je n’ai aucun doute.

Yamandu Costa et Valter Silva, 100 ans et 14 cordes à eux deux...

L’avantage avec les instrumentistes virtuoses, c’est qu’ils ne sont pas avares de productions, généralement toujours excellentes. C’est le cas de Yamandu Costa qui nous gratifie toujours d’au moins un album par an…
« YV » réunit Yamandu (30 ans) à Valter Silva (70 ans), autre as de la guitare à 7 cordes, pour une visite du répertoire de la samba, de la seresta, mais surtout du chorinho. Au programme, des thèmes connus de Dorival Caymmi (Rosa Morena), Dilermando Reis (Tempo da criança), Nelson Alves (Mistura e manda), et d’autres compositions moins populaires pêchées dans les répertoires de Pixinguinha, Jacob do Bandolim ou Canhoto da Paraiba. Superbe de bout en bout…

L’année 2010 étant celle du centenaire de la naissance de Noel Rosa (1910-1937), elle donne enfin l’occasion à Martinho Da Vila de dédier un album entier au poète et chansonnier de Vila Isabel (quartier nord de Rio), chroniqueur du Rio de Janeiro ancien. Une figure importantissime de la culture brésilienne, à l’œuvre aussi vaste que sa vie fut courte.
Dans « Poeta da cidade », Martinho a donc choisi l’option de se concentrer sur des compositions uniquement signées de Noel, parole et musique, si l’on excepte Filosofia écrit avec André Filho. On rencontre dès lors des titres moins connus (Seja breve, Século do progresso, Quando o samba acabou) entre d’autres incontournables dans un projet tel que celui-ci (O X do problema, Ultimo desejo, Coisas nossas).
Superbement produit par Rildo Hora, « Poeta da cidade » nous donne l’occasion aussi d’entendre des duos entre Martinho et les jeunes promesses féminines de la samba que sont Aline Calixto et Ana Costa, en plus de ses trois filles, Analimar Ventapane, Maira Freitas et Mart’nália. Bel album dont on soulignera aussi le graphisme soigné de la pochette et du livret….Tant que le cd physique existe encore…

Toujours concernant l’âge d’or de la Musique Populaire brésilienne des années 1930 à 1950, et ses trésors oubliés enfin redécouverts, Geraldo Leite a plongé dans les archives de L’institut Moreira Sales pour en retirer de petites perles obscures écrites par des noms aussi prestigieux que Ary Barroso, Pedro Caetano, Assis Valente, Luiz Gonzaga, Lamartine Babo, Ataulfo Alves ou encore Noel Rosa.
Dans « Sopa de concha » (du titre composé par Alcyr P. Vermelho et Pedro Caetano en 1941), Geraldo réunit ses anciens collègue de Rumo, célèbre groupe de l’avant guarde pauliste des années 80, pour redonner un coup d’éclat à ces chansons savoureuses oubliées sans qu’on ne sache trop pourquoi.
Aux côtés de Geraldo Leite, on retrouve donc les noms de Luiz Tatit, Na Ozzetti, Gal Oppido, Pedro Mourao, et d’autres, qui formèrent Rumo entre 1974 et 1991, le tout soigneusement produit par le guitariste et arrangeur Swami Jr.

Et enfin… « Zé Ramalho canta Jackson do Pandeiro ». Après les hommages rendus à Raul Seixas, Luiz Gonzaga et Bob Dylan, Zé Ramalho aborde le répertoire de cette grande figure du Nordeste qu’est Jackson do Pandeiro (1919-1982). Les enregistrements de Ramalho datent de diverses époques, mais l’album apporte quand même 6 inédits dont 4 enregistré en mars 2010. L’ensemble reste malgré tout très cohérent et digne d’intérêt.
« 13 parcerias com Cazuza » de George Israel... Le guitariste, saxophoniste et compositeur de Kid Abelha lance son troisième album solo sur lequel il revisite 13 des 19 chansons écrites avec le rockeur et poète mythique, Cazuza (1958-1990). Pour se faire, il invite Frejat, Ney Matogrosso, Sandra de Sá, Paulo Ricardo, Evandro Mesquita, Elza Soares, Marcelo D2 et Tico Santa Cruz, pour un résultat pas trop convainquant…Les textes de Cazuza supplantent souvent la faiblesse de certaines mélodies, et même les hymnes que sont Brasil, Solidão que nada et Blues do ano 2000 ne font pas oublier les versions originales, bien plus viscérales.
« Fala geral » de Rogê -présent aussi cette année dans le projet « 4 cabeças »-, est un album qui, comme le Fino Coletivo, nage dans le sillage de Jorge Ben(jor), avec assez bien de réussite. En plus de la veine samba funk, Rogê aborde d’autres horizons musicaux comme la bossa, le reggae, ou la samba plus traditionnelle, rendant « Fala geral » essentiellement carioca. Plutôt réussi…

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