Bien sûr la commémoration des 50 ans de la Bossa Nova ne fut pas uniquement synonyme d’évènements selects inaccessibles pour le plus grand nombre. Mais pour tous les amateurs, il est clair que l’annonce du concert de João Giberto –la figure de proue du mouvement- représentait le point culminant de cet anniversaire. Un moment musical historique qui avait été programmé dès le mois de mars dernier. De même quand il fût annoncé que, la même semaine, Roberto Carlos et Caetano Veloso allaient se réunir pour interpréter quelques chef-d’œuvres de la période Bossa d’Antonio Carlos Jobim, tant la rencontre que le répertoire allaient constituer un moment à graver dans l’histoire de la musique brésilienne. Je me doutais bien, dès lors, qu’il ne serait pas facile d’y assister. Ces deux shows n’étaient prévus que pour deux dates à São Paulo, une à Rio, et une dernière à Salvador de Bahia, dans le cas de João. Et cela dans des salles de contenance moyenne : 2.500 personnes tout au plus. Parmi les artistes brésiliens que j’ai pu rencontrer le mois dernier, on distinguait deux catégories. Celle qui avait été invitée, et qui préférait ne pas commenter ; et celle qui, comme Teresa Cristina, avait une opinion bien tranchée sur le sujet. Tandis que João Gilberto jouait le 24 août dans le centre ville de Rio, cette grande chanteuse se produisait ce même jour avec Jussara Silveira et Rita Ribeiro au Théâtre Municipal de Nitérói. Voici ce que Teresa me confiait au sujet de ces évènements ‘bossanovistas’, lors d’une interview, le 2 septembre dernier…
« Je trouve que ce fut une grande erreur d’avoir annoncé ces shows dans les médias d’une manière si ostentatoire. Ce fut plutôt cruel vis-à-vis du public. La banque Itaú a décidé de mettre sur pied ces concerts en hommage aux 50 ans de la Bossa Nova ?…Très bien ! Sauf qu’au final, elle a pris la décision de constituer le public de ses propres invités, c’est-à-dire les grands clients de la banque, et d’artistes ou personnalités de la ‘jet set’ brésilienne. Ils donnèrent l’illusion que n’importe qui pouvait acheter un ticket alors que 85% de l’auditoire était invité. Il restait dès lors 15% de places à vendre pour des vrais amateurs de musiques qui ont dû faire la file depuis la veille au soir. Une absurdité ! Et les places qui restaient étaient au pigeonnier, bien entendu… » « …Personnellement, je n’ai jamais vu un show de João Gilberto, et quand les médias ont annoncé l’évènement, je me suis dit : « Caramba ! je vais enfin pouvoir voir cette légende vivante! »...Quelle naïveté de ma part ! Il est clair que je le verrai probablement plus jamais de ma vie… » « …Avec le recul, je trouve que ce fut surtout malhonnête envers la propre ville de Rio et ses habitants. La Bossa Nova est un mouvement exclusivement carioca. Quelle est la vision qu’elle nous donne… La fille d’Ipanema qui marche langoureusement dans la rue, qui se rend à pied de sa maison vers la plage, et autour de tout cela, on imagine la mer, la brise, le ‘barquinho’ (petit bateau)…Tout l’imaginaire de la Bossa nova qui est un imaginaire populaire ! Tous ces éléments appartiennent aux cariocas. Ils ont tous accès à cette mer, ce soleil, ces images de douceur, quelle que soit leur condition sociale. Et cela même si la Bossa Nova est née dans les appartements de la classe aisée, et qu’elle fut créée par des musiciens issus d’un milieu favorisé. L’univers de la Bossa appartient aux habitants de Rio. Sauf que quand l’heure sonna de commémorer les 50 ans du mouvement, on a décidé que le point d’orgue serait des shows élitistes, qui se dérouleraient au Théâtre Municipal de Rio qui, soit dit en passant, n’est déjà pas l’archétype même du lieu démocratique. On ne s’y rend pas en short ! Pour résumé, ce furent des concerts organisés par des sponsors pour leurs clients. Pour le concert de Roberto Carlos et Caetano Veloso (NDLR : le 22 aôut dernier) où les deux artistes ont chanté Jobim, je connais des musiciens qui ont joué avec Tom (Jobim) durant des années et qui n’ont pas pu obtenir des places…Qui suis-je, dès lors, pour me plaindre de ne pas eu avoir accès à cet évènement…Ne suis-je pas assez ‘carioca’ que pour entrer dans le Théâtre Municipal ?(elle rit) »
-Tu es une grande chanteuse de samba, mais pour le coup, il aurait mieux valu que tu sois une actrice de ‘novela’…
« Sans aucun doute ! Mais pour terminer là-dessus, qu’on ne me parle pas de commémoration ! Ce fut une fête privée, qui a le même intérêt que si elle s’était déroulée dans le propre appartement de João Gilberto…. »
Si cet avis fut partagé par la plupart des cariocas, je fus étonné de ne rien en lire dans la presse…sans doute déjà ravie d’avoir reçu des invitations de manière parcimonieuse ! Quant à moi, j’avais écrit à l’époque à un des participants au projet (la Factoria comunicaçao) -dont je connaissais un des principaux responsables-, dès que la nouvelle des concerts était tombée sur les téléscripteurs. Nous étions donc en mars dernier, six mois avant les shows, et je demandais simplement s’il y avait une possibilité de me réserver une place payante, étant donné la difficulté pour moi d’en acquérir une, habitant loin de la 'cité merveilleuse'. On me signala que ce ne serait pas possible, car il n’y aurait pas de passe-droit. Tout le monde sur la même ligne de départ ! Ah bon? Je ‘colle’ ici, une partie du mail qui me fut retourné : « Foi uma decisão visando beneficiar o público, para que o maior número de ingressos possível esteja disponível quando abrirem as vendas. Sinto não ter como ajudá-lo, nesse caso. ». Traduction : « Ce fut une décision visant à favoriser le public, pour que le plus grand nombre de billets soient disponibles quand la vente de ceux-ci commencera, je regrette de ne pas pouvoir t’aider dans ce cas-ci… ». Je me pliai à cette réponse qui honorait la production -à priori- mais qui, après coup, me fit plutôt sourire. Là où je fus davantage déçu par contre, c’est quand je pris connaissance que João Gilberto lui-même avait refusé que la Banque Itaú installe des écrans géants en dehors du théâtre, pour contenter le public en attente. Drôle de commémoration vraiment…
« Je trouve que ce fut une grande erreur d’avoir annoncé ces shows dans les médias d’une manière si ostentatoire. Ce fut plutôt cruel vis-à-vis du public. La banque Itaú a décidé de mettre sur pied ces concerts en hommage aux 50 ans de la Bossa Nova ?…Très bien ! Sauf qu’au final, elle a pris la décision de constituer le public de ses propres invités, c’est-à-dire les grands clients de la banque, et d’artistes ou personnalités de la ‘jet set’ brésilienne. Ils donnèrent l’illusion que n’importe qui pouvait acheter un ticket alors que 85% de l’auditoire était invité. Il restait dès lors 15% de places à vendre pour des vrais amateurs de musiques qui ont dû faire la file depuis la veille au soir. Une absurdité ! Et les places qui restaient étaient au pigeonnier, bien entendu… » « …Personnellement, je n’ai jamais vu un show de João Gilberto, et quand les médias ont annoncé l’évènement, je me suis dit : « Caramba ! je vais enfin pouvoir voir cette légende vivante! »...Quelle naïveté de ma part ! Il est clair que je le verrai probablement plus jamais de ma vie… » « …Avec le recul, je trouve que ce fut surtout malhonnête envers la propre ville de Rio et ses habitants. La Bossa Nova est un mouvement exclusivement carioca. Quelle est la vision qu’elle nous donne… La fille d’Ipanema qui marche langoureusement dans la rue, qui se rend à pied de sa maison vers la plage, et autour de tout cela, on imagine la mer, la brise, le ‘barquinho’ (petit bateau)…Tout l’imaginaire de la Bossa nova qui est un imaginaire populaire ! Tous ces éléments appartiennent aux cariocas. Ils ont tous accès à cette mer, ce soleil, ces images de douceur, quelle que soit leur condition sociale. Et cela même si la Bossa Nova est née dans les appartements de la classe aisée, et qu’elle fut créée par des musiciens issus d’un milieu favorisé. L’univers de la Bossa appartient aux habitants de Rio. Sauf que quand l’heure sonna de commémorer les 50 ans du mouvement, on a décidé que le point d’orgue serait des shows élitistes, qui se dérouleraient au Théâtre Municipal de Rio qui, soit dit en passant, n’est déjà pas l’archétype même du lieu démocratique. On ne s’y rend pas en short ! Pour résumé, ce furent des concerts organisés par des sponsors pour leurs clients. Pour le concert de Roberto Carlos et Caetano Veloso (NDLR : le 22 aôut dernier) où les deux artistes ont chanté Jobim, je connais des musiciens qui ont joué avec Tom (Jobim) durant des années et qui n’ont pas pu obtenir des places…Qui suis-je, dès lors, pour me plaindre de ne pas eu avoir accès à cet évènement…Ne suis-je pas assez ‘carioca’ que pour entrer dans le Théâtre Municipal ?(elle rit) »
-Tu es une grande chanteuse de samba, mais pour le coup, il aurait mieux valu que tu sois une actrice de ‘novela’…
« Sans aucun doute ! Mais pour terminer là-dessus, qu’on ne me parle pas de commémoration ! Ce fut une fête privée, qui a le même intérêt que si elle s’était déroulée dans le propre appartement de João Gilberto…. »
Si cet avis fut partagé par la plupart des cariocas, je fus étonné de ne rien en lire dans la presse…sans doute déjà ravie d’avoir reçu des invitations de manière parcimonieuse ! Quant à moi, j’avais écrit à l’époque à un des participants au projet (la Factoria comunicaçao) -dont je connaissais un des principaux responsables-, dès que la nouvelle des concerts était tombée sur les téléscripteurs. Nous étions donc en mars dernier, six mois avant les shows, et je demandais simplement s’il y avait une possibilité de me réserver une place payante, étant donné la difficulté pour moi d’en acquérir une, habitant loin de la 'cité merveilleuse'. On me signala que ce ne serait pas possible, car il n’y aurait pas de passe-droit. Tout le monde sur la même ligne de départ ! Ah bon? Je ‘colle’ ici, une partie du mail qui me fut retourné : « Foi uma decisão visando beneficiar o público, para que o maior número de ingressos possível esteja disponível quando abrirem as vendas. Sinto não ter como ajudá-lo, nesse caso. ». Traduction : « Ce fut une décision visant à favoriser le public, pour que le plus grand nombre de billets soient disponibles quand la vente de ceux-ci commencera, je regrette de ne pas pouvoir t’aider dans ce cas-ci… ». Je me pliai à cette réponse qui honorait la production -à priori- mais qui, après coup, me fit plutôt sourire. Là où je fus davantage déçu par contre, c’est quand je pris connaissance que João Gilberto lui-même avait refusé que la Banque Itaú installe des écrans géants en dehors du théâtre, pour contenter le public en attente. Drôle de commémoration vraiment…
Interview (en portugais): Roberto et Caetano, Programme 'Fantastico' (24/08/08)