lundi 19 mai 2008

Bossa Nova : un amour, un sourire, une fleur…et un Rolleyflex !*

Vinicius de Moraes et Tom jobim en 1960 (photo Pedro de Moraes)
Une rencontre décisive pour la Bossa Nova

1958
: naissance de la Bossa Nova, il y a donc 50 ans ! Sur son album « Cançao do amor demais », la diva Eliseth Cardoso interprète 13 chansons signées par le duo fraîchement constitué : Antonio Carlos Jobim et Vinicius de Moraes. Sur les titres ‘Chega de saudade’ (‘Assez de nostalgie’) et ‘Outra vez’ (‘À nouveau’), Joao Gilberto initie à la guitare une nouvelle cadence, un rythme différent (‘uma batida diferente’) qui, pour faire simple, ralenti le tempo que marque le tambourin de la samba traditionnelle.
Alors ? Ce disque culte est-il le vrai départ du mouvement ? Certains puristes l’affirment, tandis que d’autres jugeront que la voix de la chanteuse, déjà très célèbre à cette époque, ne s’extirpe pas d’une certaine dramaturgie, encore due au Boléro. Même constat pour les arrangements, encore loin du minimalisme qui caractérisera l’approche synthétique de Joao Gilberto. Pour les adeptes de cette théorie, le référence reste donc le 78 tours de deux titres ‘Chega de saudade/ Bim bom’, interprété par Joao et sorti en juillet de cette même année 58.

Joao Gilberto: la voix et le rythme de la Bossa Nova.
(photo Mario L.Thompson)

Laissons ces historiens se crêper la perruque, mais nous constaterons que les deux écoles s’accordent cependant pour faire de ‘Chega de saudade’ l’hymne officiel de la Bossa Nova. Entre-temps, j’aurai eu l’occasion de citer le triumvirat fondateur du mouvement musical : Tom Jobim (1927-1994), harmoniste et compositeur de génie ; Vinicius de Moraes (1913-1980), le poète, journaliste, parolier, diplomate qui coiffe encore autres casquettes ; et enfin Joao Gilberto, qui représente peut-être le mieux, aux yeux du monde, cette nouvelle déferlante musicale. Outres cette manière révolutionnaire de s’accompagner à la guitare, Joao estampille une nouvelle manière de chanter, douce, sans emphase ni effet de virtuosité. Il possède une parfaite division du phrasé, et une justesse de ton infaillible. Car chanter les harmonies sophistiquées de la Bossa, devrait être un exercice imposé à chaque ‘nouvelle star’.. ! Celui ou celle qui parvient à interpréter sans strass, sans stress et sans fausse notes, ce bijou qu’est, par exemple, ‘Desafinado’ a déjà gagné ses galons d’excellent interprète. Ruy Castro dans son ouvrage truculent, « Chega de Saudade » (en version portugaise ou anglaise), raconte la petite histoire de cette chanson. ‘Desafinado’ ( ‘désaccordé’, ‘hors du ton’…), deuxième 78 tours de Joao Gilberto sorti en novembre1958, et composé par Jobim et Newton Mendonça (1927-1960), s’avère être un clin d’œil moqueur dirigé à l’encontre des nombreux chanteurs ‘approximatifs’ des pianos-bars et boîtes nocturnes de Rio. Et de fait, la chanson s’avère un exercice ardu pour des interprètes de peu de technique. De tant de justesse dans la voix de Joao, sa complexité laissa perplexes les oreilles peu averties qui allèrent jusqu’à accuser le bahianais de chanter faux. Paradoxe avec le sujet de la chanson !

Vinicius et Eliseth Cardoso (photo Pedro de Morais)

2008 : …ou 50 ans plus tard. Rio de Janeiro, berceau de cette nouvelle identité musicale brésilienne, fête à grands coups d’événements le demi-siècle de vie de la Bossa Nova. Mais quant est-il réellement de son existence dans la musique actuelle ?
Certains des puristes précités affirment que le mouvement est mort au début des années soixante. 1964, pour être pointu. Bien, bien…donc, la bossa est morte, le disco est mort, le rock est mort, et Elvis est toujours bien vivant caché sur une île…Sauf que si nous y prêtons attention, la bossa s’est infiltrée partout, jusqu’à recevoir le terme de musique de supermarchés. Je meurs ! Mais de fait, la Bossa est utilisée comme régulateur d’humeur pour ménagères de plus et moins de 50 ans, à la chasse de biens de consommation dans les grandes surfaces. Même effet thérapeutique pour les ascenseurs d’hôtel musicalisés, qui se doivent d’absorber le stress des hommes d’affaires ‘affairés’ ou colorer le séjour des vacanciers. Et pour terminer, dans la même optique, il est intéressant de quantifier le pourcentage d’éléments ‘bossanovistas’ en tapis sonore des publicités. Le résultat est assez édifiant.
Mais bien plus qu’un benzo-anxiolitico-calmant, la Bossa reste un style bigrement sophistiqué, aux harmonies et mélodies aussi belles que complexes. Sachez qu’il vous faudra jouer environ 28 accords de guitare si vous voulez accompagner la version originale de ‘Chega de saudade’, qui ne dure pourtant qu’une minute et 59 secondes ! Pas étonnant dès lors que la Bossa Nova et le Jazz de la west coast américaine, ou ‘cool jazz’, se soient enrichis mutuellement à cette époque. Vocalement, Joao Gilberto et Chet Becker furent des cousins très proches et Bossa et Jazz flirtent encore toujours ensemble, comme ces idylles qui lièrent Stan Getz, Charlie Bird et Gerry Mulligan au Brésil.
La Bossa Nova s’avère être un sujet extrêmement large car il touche également à un style de vie hédoniste et à divers aspects du design tant plastique, que de la vie quotidienne.Mais musicalement, aussi, il me faudra revenir sur d’autres acteurs et actrices de grande importance du mouvement, et sur sa nouvelle jeunesse reconquise sur le plan international dans les années 80. On pourra alors évoquer alors la scène pop anglaise, de Style Council et Matt Bianco jusqu’à Everything But the Girl, et se réjouir de la consécration mondiale d’importants protagonistes du mouvement brésilien, comme Marcos Valle ou Joyce, redécouvert par les DJ’s londoniens. Sans parler de l’omniprésence du style dans le paysage musical français et de son côté ‘branchouille’ qu’on lui attribue souvent (lire ‘objectif du blog’). Et que dire encore sur l’importance cruciale que représente le marché japonais…Cette année ne sera pas trop longue pour traiter ces aspects dans cet humble blog. Et tiens, tant que j’y pense, pour revenir au début de ce post, je vous propose d’écouter les versions précités de ‘Chega de saudade’, à travers les précieuses voix d’Eliseth Cardoso et Joao Gilberto. Alors.. ? Vous optez pour avril ou juillet 1958… ?

*« Um amor, um sorriso, uma flor… », ‘Meditaçao’-Jobim/Mendonça.
« Rolleyflex », appareil photo cité dans ‘Desafinado’-Jobim/Mendonça

4 commentaires:

Daniel Achedjian a dit…

Oyez, bonnes gens!Pas de panique si vous n'entendez pas la musique! Ceci est indépendant de ma volonté ainsi que de mon staff de choc! Demain dans la journée, tout devrait revenir à la normal, en attendant bonne lecture!!

Anonyme a dit…

Olá Daniel!
Passei pra te dar um "Oi"...e um abraço...ao som do album Sings...do Chet...e acompanhado de uma pequena garrafa de vinho chileno...já passam de meia noite aqui no outono bonito e gostoso do Rio.
Helõ, ontem, esteve no Noites Cariocas...no Morro da Urca...num evento da HStern...me disse que o Rio estava, ainda mais, encantador banhado por uma lua cheia aluscinante!
Ontem, ouvi o Cafe Bleu, do Style...adoro a voz do Paul Weller...
Ano passado, comprei um cd duplo do Jam...gravado durante um programa da BBC...Incrível como ele conseguiu ser diferente!Um grande músico!
Abraços!

Daniel Achedjian a dit…

Ola Cal! A luz deste outono no Rio me parece bem "bossanovista"! O Chet é um îcone que adoro. Para falar do Paul Weller sempre o preferi na sua época "mod" do The Jam que vi varias vezes na Inglaterra e na Belgica. "That's entertainment"!!
Abraços...

Anonyme a dit…

Daniel, o blog está mesmo maravilhoso. O meu dicionário está sendo útil..hehehe ainda não deu tempo de eu passar para pegá-lo. Mas darei um jeitinhooooo. Parabéns! Relmente muito informativo, interativo e interessante. valeu. beijos Ivna

CE BLOG EST DÉDIÉ AUX CURIEUX QUI AIMERAIENT CONNAÎTRE L'ART ET LA MUSIQUE POPULAIRE BRÉSILIENNE. UNE OCCASION POUR LES FRANCOPHONES DE DÉCOUVRIR UN MONDE INCONNU OU IL EST DE MISE DE LAISSER SES PRÉJUGES AU VESTIAIRE.