dimanche 27 juillet 2008

Une citoyenne de « la nation des chanteuses » : Mariana Aydar à Paris

Au New Morning, le 22 juillet 2008 à Paris (Photo Daniel A.)

En avril de l’année 2007, l’excellente revue généraliste « Veja », publiait un article qui, avec le temps, pourrait bien devenir une référence pour les historiens de la MPB. Sous le titre « La nation des chanteuses », ce dossier brossait un intéressant panorama de la nouvelle vague des interprètes qui déferle depuis deux ou trois ans sur la scène brésilienne.
Elles sont nombreuses -sans doute un peu trop- et certaines qui étaient évoquées à l’époque ne semblent toujours pas avoir trouvé leur place au soleil.
L’une d’entre elles, Mariana Aydar, se produisait le 22 juillet dernier au New Morning à Paris.
Encensée par la critique grâce à son excellent premier album « Kavita 1 » de 2006, la jeune chanteuse se pose indéniablement comme l’une des belles promesses de cette génération féminine, aux côtés d’autres noms tel Anna Luisa, Thais Gulin, Mariana Baltar ou la très jeune Bruna Caram. Toutes dans un registre très samba fortement teintée de pop comme d’autres encore qui ont déjà conquis le marché depuis ce début de siècle : Roberta Sá, Teresa Cristina ou Vanessa da Mata.
Avec une étonnante énergie et une véritable ‘faim’ de scène, Mariana conquit la célèbre petite salle parisienne sans le moindre complexe. Elle put ainsi faire connaître au public quelques grands ‘sambistas’ de première catégorie comme João Nogueira (1941-2000), Leci Brandão ou Eduardo Gudin, tout en révélant d’autres compositeurs venus d’autres horizons musicaux comme le célèbre Chico César, le légendaire João Donato –tout deux présent sur « Kavita 1 »- ou Rodrigo Amarantes du groupe culte –pour l’instant en pause carrière- Los Hermanos. Avec une interprétation puissante et une justesse de ton trop rare chez ses contemporaines, Mariana Aydar prouva qu’elle n’était pas qu’une simple nouvelle sensation à la mode venue du Brésil. Voici un court extrait de l’interview qu’elle a bien voulu concéder à ce blog adoré.

En toute décontraction avant le show (photo Daniel A.)

-Mariana, cet article paru dans « Veja » a-t-il éveillé la curiosité sur ton travail ?
Oui, je crois qu’il a conscientisé le public sur le fait qu’il existait une nouvelle génération de chanteuses, pas seulement jeunes et jolies, mais aussi faîtes de personnalités et d’excellentes compositeurs. Une génération qui est plus consistante qu’on a bien voulu le dire.

-Sont-elles aussi des portes- voix de nouveaux compositeurs comme l’était Elis Regina pour João Bosco, Milton Nascimento ou Ivan Lins ?
En effet, par exemple Maria Rita (fille d’Elis Regina) avait repris plusieurs titres de Marcelo Camelo du groupe Los Hermanos qui a aidé à les populariser davantage. Marcelo Camelo et Rodrigo Amarantes, l’autre tête pensante du groupe, sont des mélodistes formidables. Pour mon album, j’avais sélectionné huit de leurs titres, pour finalement choisir « Deixe o verão »… De mon côté, je n’ai enregistré qu’une seule composition personnelle, « Festança », avec un autre compositeur de la nouvelle génération, Duani, qui a aussi produit mon premier disque. Il a joué avec un tas de gens dont Marcelo D2 ou Seu Jorge.

-Ton album est, en grande partie, une véritable ode à la samba de tradition de Rio. Tu es de Sao Paulo, mais tu as commencé en chantant du Forró, style du Nordeste du Brésil. Explique -moi un peu ce parcours complexe !
Il y a plusieurs facteurs. D’abord, vers 2000, il y eu un fort mouvement à São Paulo qui jouait le Forró, cette musique festive, dans les universités. De nombreux groupes sont nés comme Forróçacana, avec Duani justement, et moi-même j’ai créé le mien. Je ne pensais pas à enregistrer un disque. Danser et chanter, c’était tout ce qui m’importait. J’ai ainsi accompagné des artistes représentatifs de cette tendance musicale comme Chico César ou la grande Elba Ramalho.
Ensuite il ne faut pas oublier que ma mère fut l’impresario de celui qui reste sans doute la super star incontestée de la musique nordestine, le roi du Baião, Luiz Gonzaga (1912-1989). J’avais tous ses 33 tours.

-Tu as pu rencontrer cet immense artiste ?
J’étais toute petite mais j’en ai un souvenir très précis. Avec sa bonhomie, c’était un peu un père Noël ! Mais ce n’est que plus tard que j’ai pris conscience de son importance dans le MPB.

-Et donc en tant que chanteuse de Forró, tu n’avais pas de plan de carrière discographique…
Non, je voulais juste me divertir, et puis quand j’ai eu 23 ans, en 2004, j’ai eu envie de me tourner vers d’autres horizons et j’ai choisi de vivre quelque temps à Paris. Six mois exactement. Paris représentait la culture en elle-même. Et puis les Brésiliens y ont toujours été bien accueillis. Par rapport à São Paulo, c’était presque une ville de province (rire) ! C’est ici que je me suis intéressé à tout l’héritage de l’Afrique que possède le Brésil.

-C’est ce contact avec la culture africaine qui t’a aiguillé vers la samba ?
Tu sais, c’est quand on a du recul qu’on parvient à mieux visualiser les choses. De France, je me suis dit : « Comme le Brésil est riche musicalement ! ». Cela ne peut arriver que quand on est éloigné de ses racines. On est nostalgique et on a conscience de ce que l’on possède chez soi. Je me suis dit : « maintenant, il faut que je rentre, c’est une nécessité », et j’ai enregistré l’album peu de temps après.

-« Kavita 1 » est sorti en 2006. Tu n’es pas un peu fatiguée de parler du même album ?
(elle rit !) J’avoue que oui…Ce matin je me disais qu’il était temps que je me fasse un nouveau répertoire. Je prévois bientôt de retourner en studio vers le mois d’octobre. J’aimerais que mon nouvel album sorte vers mars ou avril prochain.

-Tu as déjà une idée de sa direction ? Tu comptes rester dans la même veine plutôt samba ?
En fait, je ne sais pas trop…J’ai déjà trois compositions personnelles…mais je suis très dure envers moi-même ! J’ai déjà composé un titre avec une autre nouvelle chanteuse que j’adore Luísa Maita –retiens bien ce nom là ! - un autre avec le ‘sambista’ Romúlus Froes, et également une chanson avec le grand poète de São Paulo, Nuno Ramos. J’aurai à nouveau une composition de Giana Viscardi, encore une de ces chanteuses et compositeurs de talent…

En écoute: pour ceux qui voudraient se faire une idée musical précise du Forro, "Cabeça feita" par Jackson do Pandeiro, grand divulgateur de ce style dans les année 50.


MARIANA AYDAR: "Força estranha"

11 commentaires:

Anonyme a dit…

J'étais là aussi Daniel, beaucoup d'énergie en effet, mais je n'arrive pas à trouver son cd à Paris, Hubert.

Márcio a dit…

"Kavita 1" m'a beaucoup plâit. J'espère que Maryana Aydar profite aussi de l'experience e de la diversité musicale de son père, le multi-musicien Mário Manga, bien connu avec son groupe "Premeditando o Breque".
Une petite discordance, Daniel: je dirais que "Veja" n'est q'une révue généraliste. Pas plus excellente. Um abraço!

Anonyme a dit…

Salut Daniel, je ne sais pas ce qu'elle deviendra, mais, tant sur scène que dans les coulisses, elle a déjà une pause de star! A bientôt...

Anonyme a dit…

É impressionante como a França admira a MPB! Tenho um sobrinho distante - Rodrigo Marchevsky - que saiu daqui do Rio com dezenove anos com seu acordeon à tiracolo pra Lyle, e por lá ficou; e ele não é nordestino, nem filho de ... ele é carioquíssimo - tanto quanto a Aydar é paulista! Fiquei pasma quando descobri essa verdadeira "comunidade internacional" de acordeon em Lyle, tocando forró, pop, tudo misturado... Por outro lado, acho que a França dá a esses artistas uma visão de mundo bastante saudável, como a prórpria cantora reconhece como sendo o País da "cultura em si". Bom, enfim, gostei da Aydar. Parabéns pela entrevista, Daniel; e parabéns tb. ao Márcio, que já dominou "o método" ... e eu, ainda só lendo... sou + tímida pra escrever do que pra falar..rs. Bjs.

Anonyme a dit…

Ahhh,oui, Márcio. Sûr "Veja", je suis d´accord. Pas si excellente ... mais comme Daniel est plus lieu a la musique, on peut comprend cet avaliation. Hum... socorro, "o método"!! Inté.

Anonyme a dit…

E não é Lyle, é Lille !!!

Anonyme a dit…

J'ai aussi lu l'article sur les chanteuses publié par la revue "Veja" mais plus que de polémiquer pour savoir si c'est une bonne revue ou pas...je trouve que le dossier publié sur les chanteuses était particulièrement intéressant.
Par contre pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'aller voir le concert de Mariana à Paris et désirent la découvrir, la prestation qu'on voit dans la vidéo manque un peu de conviction...mais bon c'est un avis très personnel
Beijinhos
Claudia

Daniel Achedjian a dit…

Cher Hubert, moi aussi j'ai été vérifier à la Fnac, pour ne pas la citer, et néant! Ce qu'on y trouve est moins bien fourni qu'à Lisbonne, mais bien plus qu'à Bruxelles! Ceci dit on vendait son cd après le show, tu ne l'as pas vu? Bien à toi...

Daniel Achedjian a dit…

Cher Marcio, nous avons aussi parler de son père avec Mariana Aydar, mais je ne l'ai pas évoquer dans l'interview pour ne pas embrouiller les lecteurs avec trop de noms qu'ils ne connaissent pas.
Concernant "Veja", toi et Olga êtes mieux placé que moi pour savoir si c'est une revue de qualité. Mais pour un étranger comme moi, je trouve que c'est une bonne revue qui abord divers problèmes de manière pas trop élitiste. A partir de là, on apprend toujours à avoir le sens critique par rapport à ce qu'on lit. Abraços para vocés dois!!

Daniel Achedjian a dit…

Opa Olga! cuidado que os francés, como, os belgas têm uma visao bem distorsida da MPB. E uma questao que vale um livro!! E infelsmente os brasileiros que vivem aqui nao os ajudam a enxergar claramente...Grande questao para debater mesmo! beijo...

Daniel Achedjian a dit…

Chère Claudia, j'ai revu cette émission Som Brasil, consacrée à Caetano Veloso. Elle y chante "Beleza Pura" e ce "Força estranha". Cette version ne fait pas oubliée celle de Gal Costa, j'en conviens..Elle était plus en forme à Paris. Beijos...

CE BLOG EST DÉDIÉ AUX CURIEUX QUI AIMERAIENT CONNAÎTRE L'ART ET LA MUSIQUE POPULAIRE BRÉSILIENNE. UNE OCCASION POUR LES FRANCOPHONES DE DÉCOUVRIR UN MONDE INCONNU OU IL EST DE MISE DE LAISSER SES PRÉJUGES AU VESTIAIRE.