vendredi 26 mars 2010

Duo réel ou duo virtuel : l’exploitation ?

Caetano Veloso et Roberto Carlos lors du concert
en hommage à Tom Jobim, en 2008.


(texto português traduzido do francês em baixo. La traduction portugaise, plus bas, possède deux vidéos différentes)

Le duo virtuel généralement conçu avec un artiste disparu est devenu une pratique courante. On se souvient tous de Unforgettable, un des premiers exemples du genre à avoir marqué le public et qui réunissait, en 1991, les voix de Natalie Cole et de sa légende de père, Nat King Cole, disparu en 1965 .
Suite à la sortie récente d’un album hommage à Renato Russo (1960-1996) qui comprend 7 duos post-mortem, le journaliste d' O Globo, Antonio Carlos Miguel, estimait qu’un problème d’éthique se posait. Le titre de son article : « Un hommage qui résonne comme une insulte »… Mais faut-il aller aussi loin..?

Utilisés lors de concerts, ces duos recréés avec une chanteuse ou un chanteur défunt apportent au public sa dose d’émotions. Ce genre d’exercice devient d’ailleurs presque systématique quand un artiste célèbre vient à disparaître.

Au Brésil -entre de nombreux exemples- je me souviens de la dernière tournée du groupe Barão Vermelho en 2005, durant laquelle Frejat entamait Codinome Beijo flor, avant d’être rejoint sur un écran géant par Cazuza (1958-1990) -l'ancien chanteur du groupe- pour un duo émouvant et tout à fait crédible, vu la proximité qu’avaient partagée les deux compositeurs (voir vidéo dans le texte portugais).
D’une manière légèrement différente, le même procédé avait été utilisé avec succès lors du concert hommage rendu à Tom Jobim (1927-1994) par Roberto Carlos et Caetano Veloso, en 2008 : Roberto Carlos continuait en direct la chanson Ligia, lancé d’abord sur écran par Tom Jobim et… Roberto Carlos, lors d’un duo –véritable celui-là- qui avait eu lieu en 1978. L’effet est généralement garanti ! (voir vidéo du texte français)
Sur scène, donc, avec un support visuel, le procédé peut avoir sa raison d’être, et se révéler un moment fort du show.

Frejat et Cazuza (1958-1990), à l'époque de leur collaboration,
fin des années 80.


Sur album, par contre, le duo post mortem paraît plutôt fade et sans intérêt… si ce n’est un intérêt mercantile.
Car tout compte fait, une rencontre musicale est davantage intéressante par l’interaction de deux artistes et par la complicité qu’ils dégagent, plutôt que par le simple fait d’entendre deux voix pour le même prix sur la même chanson.
Cela ne signifie pas que tous les duos « véritables » sont des réussites, loin de là.
Mais si l’auditeur ressent une véritable alchimie partagée par les deux protagonistes, c’est que l’initiative en valait la peine.
Une alchimie qui est souvent absente quand les parties chantées sont enregistrées séparément, dans des studios différents, comme c’est souvent le cas pour des raisons de disponibilité des chanteurs. Un des plus célèbres exemples de ces duos assez informels et distants reste le fameux « Duets » (1994) de Frank Sinatra, qui réunissait des artistes aussi divers (et éloignés sur la planète) que Charles Aznavour, Bono, ou Antonio Carlos Jobim.

Ben Harper et Vanessa da Mata, duo gagnant, ensemble...sur scène.

L’exercice du duo sous toutes ses formes est particulièrement prisé sur les albums au Brésil. Pour ne pas dire surexploité.
La plupart du temps, il réside davantage en une accroche commerciale, car on comprendra qu’inviter Ana Carolina ou Chico Buarque sur son cd est une garantie presque certaine d’accroître le nombre d’exemplaires vendus. Un exemple frappant de cette approche très payante fut la "non-rencontre" de Vanessa da Mata avec l’américain Ben Harper, qui se concrétisa par le titre Boa sorte/ Good luck, le tube tout azimut de l’année 2008. En réalité les parties vocales de chacun avaient été enregistrées dans leurs studios respectifs, au Brésil et aux Etas-Unis (contrairement à ce qui est montré dans la vidéo collée dans le texte français).

Si ce genre de duos n’apportent généralement pas grand chose à la chanson, il existe cependant des rencontres sympathiques qui sont généralement celles qui se forment de manière naturelle, sans aucune préméditation commerciale.
Dans ce registre, j’écoutais encore récemment Sambou, sambou (João Donato/ João Mello) qui réunissait João Donato et Zeca Pagodinho (photo ci-contre) dans une totale décontraction et bonne humeur. Une interaction réussie, comme le sont souvent les duos dans le monde de la samba. Il suffit de se réferer aux projets Casa de samba, Cidade do samba ou Samba social club pour s’en convaincre.

Mais un des exemples les plus célèbres de l’histoire de la musique populaire brésilienne reste Tereza da praia (Tom Jobim/ Billy Blanco), premier véritable succès de Tom Jobim, qui réunissait en 1956, les deux idoles de l’époque, Dick Farney et Lucio Alves. Un petit chef d’œuvre, composé spécialement pour ce duo bien défini, dans la grande tradition des crooners américains des années 50. Tereza da praia visait à réconcilier les fans clubs des deux artiste qui se livraient une guerre féroce. Ce duo -Farney et Alvez- fut par ailleurs recréé par Roberto Carlos et Caetano Veloso lors du concert mentionné ci-dessus (voir vidéo dans le texte portugais).
(Pour l’anecdote, ce titre m’est toujours apparu comme une sorte d’anticipation de The Girl is mine -les deux garçons qui se dispute aimablement une fille-, enregistré en 1982 par Michael Jackson et Paul Mac Cartney pour l’album « Thriller ».)

Pour revenir à cet album posthume de Renato Russo, qui sort pour commémorer cette icône du rock brésilien qui aurait eu 50 ans cette année, nul doute que la production est des plus soignée (je n’ai pas encore eu l’occasion de l’écouter). Mais comme toujours, il est des idées dont il ne faut pas abuser car, à force de chanter avec les morts, la formule risquerait de devenir nauséabonde…

2 commentaires:

SoF76 a dit…

ça me gêne les duos virtuels... bien sûr, si on se laisse prendre au jeu, il y a toujours une certaine émotion. mais utiliser l'image d'un disparu comme ça...

je ne suis pas très à l'aise avec ça.

Daniel Achedjian a dit…

...surtout quand cela devient une formule systématique, chère sof76. Merci pour votre visite...très sympa votre blog!
A bientôt!

CE BLOG EST DÉDIÉ AUX CURIEUX QUI AIMERAIENT CONNAÎTRE L'ART ET LA MUSIQUE POPULAIRE BRÉSILIENNE. UNE OCCASION POUR LES FRANCOPHONES DE DÉCOUVRIR UN MONDE INCONNU OU IL EST DE MISE DE LAISSER SES PRÉJUGES AU VESTIAIRE.