lundi 18 août 2014

Ces valeurs qui furent un jour les nôtres: Les peintres populaires brésiliens

Iaponi Araujo: "Les tentations" (années 70)- collection privé Bruxelles)


Aujourd'hui...En 2008, j'avais intitulé ce blog Art et Musique Populaire Brésilienne, dans l'optique d'y développer la peinture et la sculpture populaire brésilienne, une autre de mes passions, tout autant que la musique. Mais ce dernier thème fut si abondant que ce n'est qu'à de rares occasions que j'ai pu relater, ici, les arts plastiques.
L'année dernière, je fus convié à écrire un texte d'introduction pour le catalogue d'une exposition en Autriche sur la peinture populaire - ou naive- du Brésil, et ce même texte légèrement modifié, fera partie d'un ouvrage plus important qui sortira fin de cette année, mais dont je ne peux, pour l'instant, donner plus de détails, secret d'édition oblige...
Voici cependant le texte qui fut et sera publié en portugais, mais que je vous propose en français, langue dans laquelle il fut rédigé initialement...

Chico da Silva: 'Dragons" (1967) - collection privée Bruxelles


"... Revenir aux choses simples, à l’essentiel et à l’humain. Se souvenir de ce qui fait le quotidien de l’homme : le travail, la famille, les fêtes et les commémorations, les croyances religieuses, mais aussi les légendes païennes ancestrales. Redevenir humble et respectueux face à la nature et aux forces de la nature. Voilà ce que nous proposent les peintres populaires, ceux que l’on qualifie de « naïf ». L’art naïf n’est pas un style, mais il définit la peinture crée par des artistes autodidactes qui ont exercé leur art en dehors de leur heures de travail, ou une fois leur retraite venue. Dans un monde anarchique où le progrès a occulté quelques valeurs humaines essentielles, ces artistes nous proposent de nous reconnecter aux rythmes des saisons, et à nos sentiments les plus purs. Simplement parce qu’il s’agit de leur quotidien, qui fut un jour le notre… 

Agostinho Batista de Freitas: "Vale de Anhagabau- Sao Paulo" (1978)- collection privée Bruxelles)


Après avoir longtemps collectionné les artistes modernes et contemporains, jusqu’aux plus conceptuels, j’ai ressenti le besoin de respirer. J’ai retrouvé le souffle que je cherchais dans la peinture populaire du Brésil, pays qui m’avait déjà fasciné par ses musiques et qui guide mon travail de journaliste culturel depuis plus de vingt ans. Le Brésil est un des pays où l’Art Naïf montre une créativité sans égale. Et c’est avec grand bonheur que j’ai répondu à l’invitation de prêter une partie de ma collection initiée au début des années 2000. Les grands maître du genre, qui sont toujours en attente d’une valorisation dans leur propre pays, montrent une diversité et une liberté que leur ont envié bon nombre d’artistes érudits, académiques ou encadrés dans un mouvement, et qui ont souvent travaillé à leurs cotés. Bien sûr, certains nous proposent des paysages idylliques de leurs régions où règne la sérénité, et où les sentiments négatifs semblent ne jamais avoir existé. Mais ce serait extrêmement réducteur de cantonner les peintres naïfs à ces paysages paradisiaques. 



José Antonio da Silva (1976)- collection privé Bruxelles)


Ainsi, je fus séduis la diversité des thèmes et des styles des grands maîtres du genre. Car, qu’y a-t-il de commun entre le monde fantastique peuplé d’animaux improbables de Chico da Silva, et le monde rural décrit de manière viscéralement expressionniste de José Antonio da Silva ? Ou encore entre les représentations géométriques – presque abstraites – des favelas de Silvia de Leon Chalreo et les paysages poétiques, emprunt de symbolisme, de Julio Martins da Silva ? Le langage plastique de Mirian, proche des ex votos médiévaux, est fondamentalement différent de celui de Iaponi Araujo et ses références à la littérature du « cordel » et ses légendes nordestines. De même, le monde de la samba carioca d’Heitor dos Prazeres – peut être le plus célèbre des peintres populaires -, est bien distant des représentations presque topographique de Sao Paulo de Agostinho Batista de Freitas. Ce dernier avait pour thème de prédilection Sao Paulo, tout comme Rodolpho Tamanini Netto, qui, de manière complètement différente – plus poétique, baignée de tons pastels - représente aussi bien les lieux emblématiques de la mégapole, que le quotidien de ses rues les plus anodines. Deux visions très différentes, mais qui traduisent exactement les atmosphères que l’on ressent quand on connaît la ville.

Edivaldo: "Au bord du lac"- collection Sao Paulo


Tamanini, comme Edivaldo, Ayrton das Neves, sont quelques artistes d’une génération plus contemporaine que j’ai eu le plaisir de découvrir et d’apprécier plus récemment. Peut être d’ailleurs que nous pouvons distinguer en cela, la peinture des artistes naïfs à l’art populaire brésilien en trois dimensions. Tandis que les sculpteurs actuels reproduisent pour la plupart, les mêmes modèles que les grand maîtres, les peintres de la nouvelle génération cherchent et proposent des voies nouvelles. Les peintres populaires brésiliens, vous invitent ainsi à découvrir le vrai Brésil, sans aucun filtre d’école ou de mouvement artistique, et à vous faire une idée plus juste de ce que l’on nomme, sans trop pouvoir le définir, la peinture naïve. Un voyage passionnant en vérité…

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