mardi 11 mai 2010

09/11 : Le monde enchanté d’Adriana Partimpim.

Adriana met en scene la balerine d'Edu Lobo et Chico Buarque
(photo Daniel A.)


Ce dimanche 9 mai, c’était la fête des mamans dans le monde entier; la fête des enfants venu voir Adriana Partimpim au Vivo Rio (RJ) en session matinée ; et la fête des prédateurs venus chasser les mères célibataires qui accompagnaient leurs bambins… Plaisanterie à part, ce formidable show ludique appelé « Dois é show » -qui suit le lancement de l’album "Partimpim 2" -, m’amène à l’une ou l’autre modeste réflexion…

En créant le personnage de Partimpim en 2004, Adriana Calcanhotto donnait vie à une nouvelle artiste à part entière sur la scène de la MPB. Partimpim n’est pas une pause carrière de Calcanhotto… De celle que les artistes s’octroient pour souffler un peu en enregistrant, par exemple, un album de reprises sans beaucoup d’efforts (ni d’intérêt). On se retrouve face à une nouvelle personnalité, un vrai travail en profondeur de (re)création… Face aussi à une chanteuse qui a construit un répertoire consistant en deux albums, supérieur à celui de bien des chanteuses, à ce stade de leurs carrières. Mieux encore, Adriana Partimpim est rapidement devenue une artiste à succès. Un succès qui ne doit rien à Calcanhotto. Le premier album s’est vendu a plus de 100.000 exemplaires au Brésil, et il s’écoula à plusieurs autres milliers de copies au Portugal, entrainés par le mégahit Fico assim sem você (Abdullah/ Caca Moraes).

Partimpim envahies par les papillons: As Borboletas (photo Daniel A.)

Autre constatation : sous des dehors ludiques, Adriana effectue un travail d’éducation considérable.
Durant le show de ce dimanche, il était hallucinant (et trop mignon !) d’entendre ces enfants entre 3 et 6 ans, chanter par cœur O Trenzinho da Caipira, Bim bom, Saiba, Ciranda da Bailarina ou As Borboletas. Car un jour, ils se rendront compte -devenus adolescents-, qu’ils entonnaient déjà parmi les plus grands poètes et musiciens du patrimoine culturel brésilien. Dans l’ordre dans chansons citées, on note ni plus ni moins que les noms d’Heitor Villa Lobo, Ferreira Gullar, João Gilberto, Arnaldo Antunes, Edu Lobo, Chico Buarque, et Vinicius de Moraes. Sans oublier les monuments populaires que sont Roberto Carlos/ Erasmo Carlos (Gatinha manhosa) ou Bob Dylan (O Homen deu nome a todos os animais).
Un répertoire qui se situe à des années lumières des chanteuses traditionnelles pour enfants, sans vouloir nullement dénigrer l’importance de celles-ci.
Et tous, autant que nous sommes, nous nous souvenons des chansons de notre enfance, comme eux se souviendront des leurs.
Nul doute que certaines de ces jeunes têtes blondes voudront, plus tard, creuser un peu plus l’œuvre de ces personnages incontournables de leur culture.

Et à nous, adultes, que nous dit Partimpim (sans le savoir sans doute !) ? Ce que nous savons que trop bien ! Que nous sommes complexes et multiples, faits de diverses personnalités parfois contradictoires. Et cela, nous tentons de nous forger une personnalité monolithique aux yeux d’autrui. Quand ce ne sont pas les autres qui se la forge pour nous… Rien de très neuf dans tout cela, sauf qu’Adriana transpose cette idée dans son art, chose qui généralement ne pardonne pas. L’artiste se doit d’être estampillé et catégorisé. Sous peines d’être taxé d’instable et volubile. Beaucoup d’écrivains ont utilisé -pour éviter cela- des noms d’emprunt, afin d’aborder des genres littéraires auxquels ils voulaient s’essayer (n’a-t-on pas reprocher à Vinicius de Moraes, de passer de « grand poète » à « poète mineur », pour avoir mis sa prose à la disposition de la chanson.. ?).
Mais à ciel ouvert, Adriana réussit le pari de créer une deuxième artiste, et laisse le soin à chacun d’acheter les albums de Partimpim, même s’il n’apprécie pas l’œuvre de Calcanhotto…Et vice versa.

Davi Moraes s'approche d'une Adriana enragée (photo Daniel A.)

Adriana Calcanhotto a toujours été considéré à juste titre comme une artiste plutôt cérébrale. Mais elle a toujours laissé transparaître dans son répertoire un grain de folie et une douce insouciance. Et c’est sans doute pour ne pas tomber dans le mélange des genres, que Calcanhotto a créé Partimpim, avec le succès que l’on sait.
Dès son premier album, Partimpim s’est constitué un répertoire fait de chansons qui, par un aspect ou un autre, pouvaient évoquer le monde de l’enfance. Soit par la mélodie, soit au travers des textes. Sans que rien ne tombe dans l’infantilisme.
Mais c’est sur scène qu’elle prend toute sa dimension. Une scène qui devient un laboratoire de jouets -proche du monde d’Alice au pays des merveilles- avec des crayons et des lampes surdimensionnées, des énormes ballons, des animaux en papiers géants, des boîtes à musiques, et des instruments de percussions improbables, que les musiciens prennent un malin plaisir à utiliser. Et d’ailleurs, existe-t-il musiciens plus joyeux et heureux -pour l’instant au Brésil- que ceux d’Adriana Partimim ?
Entourée de Moreno Veloso, Domenico Lancellotti, Davi Moraes (la tête de lion sur la photo) et Paulo Rocha, Adriana livre son monde enchanté sans pudeur.
Une pudeur qui nous empêche trop souvent de laisser s’exprimer notre (grande) part d’enfant. Ce dimanche, face à Adriana « Calcanhotto » Partimpim, tout le monde avait le même âge…

Pour des raisons obscures (et ridicules), la copie de videos yoube n'est pas permise pour Adriana Calcanhotto. Je vous invite à aller voir les nombreux extraits de show qui s'y trouvent...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mince Daniel, le Brésil t'appote un côté philosophe surprenant mais pas désagréable. Beau texte!
Régine

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