samedi 1 mai 2010

En écoute aujourd’hui : Antonia Adnet, Clara Moreno, Os Cariocas.

Depuis 4 ans, Antonia Adnet est cette jeune instrumentiste discrète qui, sur scène, se tient à la gauche de Roberta Sá, cachée derrière sa guitare presque trop grande pour elle.
« Discreta » est aussi le titre choisi bien à propos pour le premier excellent album de cet autre membre du clan Adnet, une famille entièrement dévolue à la musique. Aux côtés de Mario Adnet - qui coproduit ce disque- on peut citer Joana, Chico, Marcelo, Muiza et Maucha, sans être sûr que la liste soit exhaustive…
Antonia n’aurait pas pu trouver un titre d’album plus adéquat.
De sa petite voix douce, elle effleure délicatement 12 perles dont la majorité sont de sa plume. On voyage entre la bossa, la samba légère, la marchinha, ou le chorinho.
« Discreta » aurait pu être simplement un bon album de plus dans ces styles très fréquentés par les chanteuses, mais la qualité des compositions et les arrangements -conçus aussi en partie par Antonia- la place haut dessus du lot. Mes préférences allant à la plage titulaire signée par Antonia et João Cavalcanti (du groupe Casuarina), Vem e vai (Antonia Adnet/ Ana Clara Horta) ou Pessoas incríveis (Mario Adnet/ Bernardo Vilhena)...En plus des trois instrumentaux placés stratégiquement sur l’album (c’est-à-dire à espace égal des chansons). Parmi ceux-ci, Vitrine, un chorinho peu connu des années 40 du maître Moacyr Santos.
Du haut de ses 24 ans, Antonia Adnet se retrouve donc à tous les stades de l’élaboration de « Discreta », qui se révèle une très (très !) belle surprise de ces premiers mois de l’année.

Sixième album, déjà, pour Clara Moreno (fille de Joyce Moreno et Nelson Angelo), et peut être le titre le plus abouti de sa discographie. Et comme pour Antonia Adnet, un disque dont le titre ne souffre d’aucune énigme.
Clara n’a peut-être pas la même voix suave que sa maman, mais elle est sans doute plus tonique et parfaitement adaptée au répertoire majoritairement rythmé du disque. La grande prouesse de « Miss balanço » est de nous nous restituer un son et une instrumentation qui nous replonge au temps béni du bossa jazz de la première moitié des années soixante. Mais aussi dans le swing du Jorge Ben des meilleures années, ou des albums d’Elis Regina de la période "In London". Et la plupart des titres inclus datent d’ailleurs de cette époque dorée : de Jorge Ben(jor), elle reprend Bebete Vambora et le moins connu Uala uala-la ; quatre compositions d’Orlandivo, compositeur prolixe des années 60 (et qui participe vocalement à Tamanco no samba ) ; Que besteira, titre rare de Gilberto Gil et João Donato (qui martèle ici son piano de façon bluesy) ; Jeito bom de sofrer de répertoire de Wilson Simonal; ou encore l’éternel classique de Tito Madi, Balança zona sul. Notons aussi Pourquoi ? (nega com sandalia) composition qu’avait chantée Elza Soares en 1967 (à ce propos, Clara Moreno fut une des rares artistes a m’avoir accorder une interview dans la langue de Molière, avec Francis Hime et Mariana Aydar).
« Miss balanço » sort maintenant au Brésil, mais existait déjà en Europe sous une autre pochette en 2009. Un bon album dont la qualité première est de sonner particulièrement vrai.. !

Os Cariocas est-il le plus ancien groupe vocal du Brésil toujours en activité ? Oui, si l’on considère qu’il est toujours emmené par un de ses membres fondateurs, Severino Filho, qui participa aux premières heures du groupe en 1942. Non, si l’on prend en compte la formation Demônios da Garoa de Sao Paulo, né en 1940, mais dont les deux derniers membres initiaux se sont éteint durant ces dix dernières années.
Toujours est-il que les groupes vocaux ont toujours été une grande tradition musicale au Brésil, et encore actuellement.
Et Os Cariocas, acteurs importants des premières années de la Bossa Nova, appartiennent depuis longtemps à l’histoire de la musique populaire brésilienne.
Alors, on pourrait se demander pourquoi ce dernier album, « Nossa alma canta », fut reçu par la critique avec des louanges dont n’avaient pas bénéficiés ses prédécesseurs. Sans doute parce que le groupe s’extrait un peu des albums convenus et conçus sur le même moule, autour des éternels classiques de la bossa nova.
Le quartette composé de Hernane Costa, Neil Teixeira, Eloi Vicente et Severino Filho, renove son répertoire, et il en résulte une fraîcheur et une âme que la formation avait un peu perdues.
L’album s’ouvre sur le très solaire Rio que corre (Joao Donato/ Lysias Ono/ Beth Carvalho) et son orchestration luxueuse de cuivres, pour enchaîner ensuite sur une composition aussi belle que rare de Newton Mendonça (1927-1960), Quero você, qui montre que le groupe a décidé d’exhumer quelques perles oubliées. Autres bons moments : la reprise swing de Você vai ver (Antonio Carlos Jobim), ou Baiãozinho, qui compte la participation prestigieuse de son auteur, Eumir Deodato. Autres titres qui ont pour participation spéciale leurs auteurs, Jet Samba, avec Marcos Valle au piano, et Clube da esquina 2, avec la voix céleste de Milton Nascimento. Le groupe montre encore son habilité vocale millimétré dans Delírio carioca, une plage tortueuse de Guinga et Aldir Blanc, entièrement à capella.
Mais que les puristes se rassurent, Os Cariocas gardent toujours l’essence même de leur musique, et l’esprit bossa demeure plus que jamais dans les classiques Samba do carioca (Carlos Lyra/ Vinicius de Moraes), Você (Roberto Menescal/ Ronaldo Bôscoli) ou Rapaz de bem (Johnny Alf).
Comme l’écrit Ruy Castro dans le livret du cd, « Nossa alma canta » est sans doute la meilleure production du groupe depuis la série de classiques enregistrés dans les années 60. Et à l’écoute de ce magnifique album, on ne peut que lui donner raison.

Vidéos: (pour Antonia Adnet et Clara Moreno, voir la traduction portugaise ci-dessus.)
Os Cariocas: "Berimbau" (formation actuelle)// Os Cariocas dans un film de 1951 !!// Bande sonore d'Os Cariocas acompagnant Tom Jobim, Joao Gilberto et Vinicius de Moraes en 1962, sur "A Garota de Ipanema"

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